Des maths discrètes

Si vous me connaissez IRL, vous savez que je suis parti en direction de l’étoile polaire dans le but d’étudier les maths discrètes. Au cours de ma (pas si longue) existence, chacune de mes déclarations à ce sujet s’est vue accueillir de deux façons différentes :

  • Version initiée : «  Des maths discrètes ? Mais t’es fou ! Qu’est-ce qui t’a pris ?! »
  • Version profane : «  Maths discrètes ? Ah… Euh… C’est quoi au juste ? »

Deux interrogations légitimes qui vont recevoir céant des réponses que j’espère convaincantes.

« Maths discrètes ? Ça se mange ce truc ? »

Non, du moins pas que je sache.

Tout d’abord, entendons nous bien : l’adjectif discret n’a absolument rien à voir avec une quelconque furtivité, invisibilité ou autre. En d’autres termes, les maths discrètes ne sont pas appelées ainsi à cause des ninjas [1]. Encore que ça aurait pu leur être utile, comme nous le verrons plus tard.

« un ninja de la période Edo »

Un mathématicien discret vient d’être dérangé dans ses œuvres (vue d’artiste). Merci wikicommons pour la photo !

En mathématique, discret s’oppose à continu. Exemple de truc continu : les nombres réels. Exemple de truc pas continu : les nombres entiers. Pour comprendre intuitivement à quoi on se réfère quand on parle d’ensemble continu ou discret, pensez à une chose toute simple : est-ce que, pour deux éléments d’un ensemble, il y en a toujours un entre les deux ? Par exemple, est-ce qu’entre deux nombre réels, il y en a toujours un ? Ben oui, leur moyenne par exemple. Est-ce qu’entre deux nombres entiers il y en a toujours un ? Ben non, par exemple on ne trouvera jamais de nombre entier entre 1 et 2.

C’est en fait un peu plus compliqué puisque Q, l’ensemble des nombres rationnels (les fractions, à peu de choses près), n’est PAS continu en dépit du fait qu’il soit toujours possible de trouver un nombre rationnel entre deux éléments de Q. Ne chipotez pas.

Les maths discrètes s’intéressent donc à des structures… discrètes. Logique. En particulier, des pans entiers des mathématiques ne s’intéressent qu’à ce qui se passe dans N (ou Z), c’est à dire au sein des entiers. Par exemple, l’arithmétique et son cortège de nombres premiers constituent un domaine d’étude conséquent (et passionnant). Il y a cependant également d’autres structures discrètes, comme les ensembles désignés par « Z/nZ » correspondant très grossièrement aux nombres allant de 0 à n-1. On peut aussi penser aux graphes, à la logique booléenne, etc.

« Et ça sert à quoi ? Ça me dit pas pourquoi tu veux en faire… »

Vous faites donc partie de ces gens qui estiment que l’utilité prime sur le reste dans la recherche ? Je ne vous félicite pas, rustre. Jusqu’à récemment, la meilleure réponse à cette question était « à occuper les matheux », ce qui est en soit une très noble cause. Néanmoins, avec le développement de l’informatique, une nouvelle réponse un tantinet plus classe est de rigueur : « à faire tourner le monde ». Rien que ça. En effet, le principe de fonctionnement des ordinateurs repose sur un modèle établi par Turing [2] au milieu du XXème siècle, celui de la machine de Turing. Son étude, ainsi que toute la théorie de la complexité qui en découle relève des maths discrètes. L’algorithme permettant à un GPS de calculer le chemin le plus efficace, nommé algorithme de Dijkstra en l’honneur de M. Dijkstra repose sur la théorie des graphes. La sécurité de vos transactions bancaires informatiques dépend de RSA, une méthode de chiffrement reposant sur la théorie des nombres, en l’occurrence la difficulté à factoriser un grand entier. Le processeur, c’est à dire le « cerveau » de votre ordinateur utilise massivement la logique booléenne. Je pourrais continuer pendant des pages, mais je pense que j’ai montré où je voulais en venir : les maths discrètes sont cruciales !

Ce domaine des mathématiques n’est, en dépit de son importance, pas très apprécié en général par les étudiants. Le problème est que les modes de raisonnement employés peuvent être assez éloignés de ce à quoi l’on est habitué dans le cas continu ; c’est du moins mon point de vue. Les maths discrètes peuvent aussi très facilement devenir complètement barrées et ultra-abstraites, par exemple dans le cas de la théorie de la complexité où on se retrouve à considérer des machines de Turing non-déterministes, c’est à dire très (mais alors très très) grossièrement des calculateurs qui peuvent renvoyer le bon résultat, ou pas, sans que ce soit un problème. Bizarre ? Vous n’avez pas idée…

Personnellement je trouve ces divers sujets absolument passionnants, encore plus que la résolution d’équations différentielles ou la physique. D’où mon départ en direction de l’étoile polaire.

« Et les ninjas dans tout ça ? »

En bons espions, les ninjas se devaient probablement de communiquer de façon sécurisée avec un commanditaire [3]. Dans ce cas, ils devaient probablement chiffrer leurs messages, c’est à dire les rendre illisibles pour le cas où un malotru les intercepterait. L’art du chiffrement, la cryptographie, utilise lui aussi massivement les mathématiques discrètes.

D’ailleurs, je compte publier dans les semaines à venir diverses méthodes pour protéger vos informations personnelles sur votre ordinateur, histoire que vous n’ayez pas les mêmes problèmes que Scarlett Johansson.

Sur ce, je retourne à mes activités suédoises et vous souhaite une bonne journée.


[1] (retour) Les ninjas étaient des sortes d’espions œuvrant dans le japon féodal, c’est à dire grossièrement au pays des samouraïs et des geishas (ce blog n’avait pas respecté son quota de cliché ce mois-ci). Dans l’imagerie populaire, ils sont vêtus de noir et ont le visage masqué. C’est en réalité, aussi incroyable que cela puisse paraître, un poil plus compliqué.
[2] (retour) Turing est, à mon avis du moins, un des plus grands génies du XXème siècle, à ranger entre Einstein et Gödel. Grosso modo, il a inventé l’ordinateur pour combattre les nazis : c’est assez dur de faire plus classe. Plus précisément, il a participé activement à la conception des premières bombes cryptographiques qui ont permis d’industrialiser le « cassage » (on dit « cryptanalyse » normalement) de la machine utilisée par les nazis pour chiffrer leur communications, contribuant ainsi à l’invention de l’informatique et à la victoire des alliés pendant la IIème guerre mondiale. Par contre, comme il était gay, il a été castré chimiquement et s’est suicidé en conséquence de cela en mangeant une pomme empoisonnée. La prochaine fois, il y réfléchira probablement à deux fois avant de sauver le monde…
[3] (retour) Pure spéculation de ma part, mes compétences en « ninjalogie » (néologisme pour nommer la science des ninjas) étant plus que limitées.

C’est la rentrée !

… Enfin, pour moi en tout cas. En effet, mes cours de Suédois ont déjà commencé, je suis donc en mesure de me présenter et de baragouiner deux-trois trucs. Par exemple, bonjour/salut se dit « Hej ! » (prononcez « Hé » ou « Hay ») et au revoir/salut… « Hej Hej ! ». Jusque là ça va.

Déjà une star !

À peine sorti de mon premier cours de Suédois, je me suis fait interviewé par SVT1, la première chaîne de Suède. La journaliste l’a décrite comme la « BBC de Suède ». Elle voulait avoir mon point de vue éclairé (de personne qui n’y connaît rien et débarque dans un pays sans en parler la langue) sur le fait que KTH fasse maintenant payer les étrangers venant de pays ne faisant pas partie de l’UE.

À moi la célébrité, mwahahahaha \o/

Un cerbere Art-Déco

Deux cerbères de pierre gardent l’entrée de KTH.

KTH

En Suédois, KTH se prononce « Ko Té Ho », avec des « o » comme dans « pot » et un « h » aspiré. Mais laissez-moi vous parler de cette école exceptionnelle. Comme vous pouvez en juger par les multiples photos parsemant cet article, KTH, c’est classe. C’est même LA classe. Je vous accorde qu’il faut aimer la brique rouge et l’art déco, mais on ne peut en tout cas nier que les bâtiments ont un certain cachet. En tout cas bien plus que certaines écoles françaises de ma connaissance… De plus, contrairement à ces mêmes écoles, KTH se trouve vraiment à Stockholm, et non dans quelque obscure banlieue située à 30min du centre-ville. Les mauvaises langues auront tôt fait de remarquer que « c’est bien la peine d’avoir des locaux à deux pas du centre-ville si c’est pour envoyer ses étudiants vivre à 45min de ceux-ci dans une non moins obscure banlieue ». Elles n’auront pas tort.

La cour intérieure

Une première vue de l’intérieur de la cour principale de KTH.

Les KTH-iens

Au-delà des locaux, intéressons-nous un peu à ceux qui les peuplent. Pour l’instant, il ne s’agit pratiquement que d’étudiants ERASMUS, dont une armée de français (on ne constitue peut-être pas la moitié des effectifs, mais on ne doit pas en être loin), plein d’allemands, de chinois et d’espagnols. D’autres nationalités sont plus ponctuellement présentes, notamment : autrichienne, sud coréenne, japonaise, turque, suisse, estonienne, hollandaise, singapourienne, ukrainienne et vénézuelienne (et je ne parle que de gens que j’ai rencontré, au moins de loin). L’auberge espagnole, c’était un truc de chochotte.

Re: La cour intérieure

Une deuxième vue de l’intérieur de la cour principale de KTH.

Point intéressant : un jeune homme de l’association étudiante chargée de l’accueil des étrangers (i.e : moi et mes comparses) nous a décrit sommairement les suédois afin que l’on sache un peu à quoi nous attendre. Apparemment, il y a une règle implicite par ici : « on ne parle pas aux gens ». Ça risque de ne pas être pratique. Il a également fait l’apologie de ce comic qui décrit, selon lui toujours, fidèlement la façon dont les scandinaves se voient entre eux. En gros, le Suédois typique serait un genre de schtroumpf à lunettes fan d’informatique. Ç’aurait pu être bien pire.

Pour remédier à la quasi-absence d’autochtones dans ma vie de tous les jours, j’ai répondu à une invitation du professeur de Français de KTH pour « visiter » un de ses cours (c’est le terme employé). Hum.

Lui : Et vous voyiez, là, c’est les tables. Devant, il y a des chaises sur lesquelles on met les étudiants pour qu’ils bossent.
Moi : Ooooooh ! Et même qu’ils sont dirigés vers le prof’ pour pouvoir écouter ce qu’il dit ! Dingue !
Lui : Et oui, on est très pragmatiques en Suède.
Moi : Et donc ça je suppose que c’est un tableau noir ?
Lui : C’est cela même.
Moi : Pas croyab’ !

Et en France on est très drôle. Surtout moi.

Désolé.

Forward: Re: La cour intérieure

Une troisième vue de l’intérieur de la cour principale de KTH. C’est la dernière (de cet article), promis !

Paperasse mon amie

Que serait une inscription sans la paperasse de circonstance ? Pratique ? Cool ? Agréable ? Certes, mais également assez peu réaliste, hélas. Je suis en ce moment en plein dedans, aussi je n’écrirai pas plus longtemps. Je dois notamment faire un « educated guess » (i.e : « deviner intelligemment » dans la langue de Molière) quant au choix de mes cours. Heureusement que les Suédois sont sensés être des nazis de l’organisation. Enfin, terminons sur un point positif : ça commence à cailler \o/

L’arrivée

Où l’auteur atterrit dans la Venise du Nord, en rencontre les habitants et découvre son nouveau logement.

Stockholm, terre de contraste

Comme convenu dans le précédent billet, je m’en vais vous conter mon arrivée à Stockholm, capitale du Nord et en particulier de la Suède. Arrivé mercredi 27 juillet par avion depuis l’aéroport Charles de Gaulle (un truc en béton immense), une des premières choses qui m’a frappé à l’atterrissage est la verdure d’Arlanda : il faut attendre que l’avion pivote de 180° pour que les sapins visibles part le hublot soient remplacés par le terminal !

L’autre chose qui choque, et qui justifierait pour moi le remboursement du billet d’avion, c’est la température. Nous sommes d’accord que la Suède est une contrée nordique, où l’on est en droit d’atteindre des températures civilisées, voire, fraîches ? Eh bien non, il faisait 28°C, et il continue de faire bien lourd… C’est un scandale.

quelle beau bâteau !

Le Chapmann est une bâteau qui sert d’auberge de jeunesse. Cette photo a été prise dans Stockholm : c’est une ville extrêmement verte !

Hormis les inconvénients liés à la température bien trop élevée, Stockholm est une ville très agréable à visiter et fort coquette, bien qu’un magasin sur trois environ dans le centre ville soit un H&M. Si le rouge brique est probablement la couleur la plus répandue, on trouve également des bâtiments verts, bleus, jaunes… Ce qui rend cette ville bien plus colorée que ce à quoi nous autres français sommes habitués ! Certains (i.e ma sœur) vont même jusqu’à affirmer que cela donne un aspect méridional à la ville, aspect renforcé par la température tropicale. Je ne suis cependant pas sûr que cette impression passe l’hiver…

gamlastan

Une vue de l’île où se trouve la vieille ville. À droite, le palais royal, ailleurs, d’autres trucs.

N’oublions pas le but premier de ma présence ici : je suis là pour emménager ! Cap sur KTH donc pour récupérer mes clefs. Comme je m’y attendais, l’université est très classe, tout en brique rouge avec des statues et tout. Classe. Très. Un mauvais esprit ferait probablement remarquer que ça change des écoles d’ingénieurs françaises construites dans les années 70 et de ce fait fort laides. Il n’aurait pas tort. Comme tous les Suédois à qui j’ai parlé jusqu’à présent (commerçants (pleins), conducteurs de bus, serveuse…), l’employée de KTH s’exprimait dans un anglais impeccable. De plus, en particulier les plus jeunes, les suédois non seulement parlent parfaitement anglais mais en plus avec un accent… Américain. À couper au couteau : si on ne sait pas qu’ils sont suédois, on ne le remarque pas.

Voilà ce qui fait fasse au palais royal. Classe.

En ce moment au musée d’art de Stockholm, l’exposition « Lust and Last » (Luxure et Vice en Suédois) propose entre autre plein de peintures françaises montrant des gens relativement peu vêtus. Oui, l’affiche est une peinture de nonne montrant ses fesses.

Ma chambre, un bilan mitigé

Située donc en la merveilleuse cité de Tyresö (prononcez « Tiresseu », avec un « r » roulé), ma chambre est sympa, bien qu’extrêmement vide à mon arrivée. Voici d’ailleurs une photo du lieu:

L'intérieur de ma chambre, extrêmement bien rangée à l'heure actuelle comme vous pouvez le constater

Ma chambre en l’état actuel des choses, i.e avant une virée chez Ikea. Notez les jolies fleures inamovibles sur les murs…

Mon étage de résidence est envahi par les français, dont un bataillon de Supélec’iens, mais je pense pouvoir survivre, d’autant qu’ils ont l’air plutôt sympa. On va d’ailleurs aller ce soir à une soirée suédoise à Tyresö, je me demande ce que ça va donner. Je vous raconterai ça une autre fois.

À bientôt camarades pour de nouvelles aventures !

Je suis en très nul en photographie, je sais.